C’est son avis « Le risque de cancer n’augmente pas en France »
Catherine Hill est épidémiologiste, spécialiste de l’étude de la fréquence et des causes du cancer. Retraitée active, elle a fait toute sa carrière à l’Institut Gustave Roussy. Les informations qu’elle rapporte ici battent en brèche beaucoup de fausses croyances.
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41 % des cancerspotentiellement évitables
On doit comparer la fréquence des cancers d’une année à l’autre à taille de population et à répartition d’âge égale. En effet, quand la population augmente de 10 %, on attend à risque égal 10 % de cas en plus. Par ailleurs, si la population vieillit, par exemple si elle comprend 10 % de personnes de plus de 70 ans à une époque, et 20 % à une autre, le nombre de cancers va augmenter automatiquement car le risque s’élève très rapidement avec l’âge.
Une fois éliminé les effets de l’accroissement de la population et de son vieillissement, le risque global de cancer n’augmente pas en France, et la mortalité par cancer diminue nettement : cette dernière baisse pour la plupart des localisations de cancer, l’exception la plus notable étant le cancer du poumon chez la femme qui augmente de 4 % par an.
Une étude récente (1), coordonnée par le Circ (2), et à laquelle j’ai participé, a estimé que 41 % des 350 000 cancers diagnostiqués en France en 2015 étaient attribuables à des causes évitables.
Hiérarchie des causes
Le tabac et l’alcool étaient de loin les premières causes, respectivement responsables de 69 000 et 28 000 cancers (20 et 8 % des cas). Dans la population masculine, la proportion de fumeurs est passée de 75 % dans les années 1950-1960 à un peu plus de 30 % aujourd’hui. Par conséquent, les effets néfastes du tabac diminuent.
Dans la population féminine, au contraire, la génération qui avait 40 ans en 1985 ne comptait pratiquement pas de fumeuses, alors que la génération qui avait 40 ans en 2000 en compte 30 %. Cette génération en vieillissant va être exposée à un risque très grand de cancers liés au tabac, et les générations suivantes fument à peu près autant.
Pour l’alcool, il est recommandé de ne pas dépasser 10 verres par semaine, soit 100 g d’éthanol. Or la consommation moyenne en France, estimée en répartissant tout l’alcool bu dans toute la population de 15 ans et plus, est de 180 g/semaine, ce qui est trop.
On attribue ensuite 19 000 cancers (5,4 % des cas) à une alimentation non optimale, c’est-à-dire moins de 300 g/j de fruits, moins de 300 g/j de légumes, moins de 25 g/j de fibres, moins de deux laitages par jour, plus de 300 g/semaine de viande rouge et des viandes transformées. De plus, 19 000 sont aussi attribués au surpoids et à l’obésité.
Les agents infectieux en causent 14 000 (4 % des cas) : papillomavirus (col de l’utérus, pharynx…), hépatites B et C (foie), Helicobacter pylori (estomac), virus d’Epstein-Barr (lymphome hodgkinien, rhinopharynx).
Un total de 12 000 cancers (3,6 % des cas) est attribuable aux expositions professionnelles.
Et les agriculteurs ?
Chez les agriculteurs, 76 lymphomes non hodgkiniens, 65 cancers du poumon ainsi que 16 cancers de la prostate sont attribuables à l’exposition aux pesticides cancérogènes certains (lindane) ou probables (diazinon et malathion).
Propos recueillis par Philippe Pavard(1) Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 21 du 26 juin 2018.(2) Centre international de recherche contre le cancer.
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